Cet entretien a eu lieu le 21 juin 2011 à Vilnius, Lituanie, au domicile de l'interviewée. Il a été mené par Emilia Koustova et Alain Blum. L'entretien a été réalisé en russe et traduit et interprété en français (par Emilia Koustova). Il a duré 1 heure et 26 minutes.
BiographieMarytė Kontrimaitė naît à Vilkaičiai en Lituanie soviétique, en 1947. En 1948, ses parents sont inclus dans la liste des personnes à déporter. Ils réussissent à se cacher pendant une année, quand, en 1949, ils sont arrêtés et envoyés avec Marytė en Sibérie. Cette dernière n’a que deux ans. Durant le voyage, un soldat de l’escorte, alors qu’elle gît inanimée, estime qu’elle est décédée et demande à son père de la jeter par-dessus bord. Son père refuse avec fermeté, et exige le constat d’un médecin. Le soldat trouve un médecin envoyé en déportation, dans un autre wagon, qui la sauve. Arrivés dans la région d’Irkoutsk, ils sont installés dans le village de Bodaïbo. À plusieurs reprises, le médecin, qui avait sauvé Marytė durant le transport, et qui est déporté dans le même village, les aide lorsqu’ils sont malades. Ils vivent dans des baraquements. Le père de Marytė use de ses savoir-faire d’artisans pour s’intégrer aux habitants. Cela donne à leur famille de meilleures conditions de vie. Sa mère, qui avait été institutrice en Lituanie, a organisé une école gratuite pour les enfants lituaniens, où elle enseignait dans sa langue. En 1956, ses parents la renvoient, seule, en Lituanie. Elle revient à Plungė non loin de son village natal, où sa tante, qui aurait dû être avertie par un télégramme envoyé par les parents, devait l’accueillir sur le quai du train. Personne n’étant présent, elle commence à appeler, à crier pour que la police vienne lui dire où aller, mais un employé des chemins de fer lui dit d’être beaucoup plus discrète, et l’accompagne dans sa famille. Elle a été, au début, déçue, car elle ne connaissait de la Lituanie que ce que les livres pour enfants lui disaient, et elle imaginait un pays où il y avait partout des fleurs, y compris dans les branches des sapins. Elle poursuit alors ses études secondaires puis supérieures, et va travailler à Erevan, en Arménie, où elle s’installe. Elle acquiert quelques illusions sur le régime durant le dégel, mais très vite déchante, et l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie porte un coup final à son idéalisme. Elle revient ensuite travailler en Lituanie et vit aujourd’hui à Vilnius.
BiographyMarytė Kontrimaitė was born in Vilkaičiai in Soviet Lithuania in 1947. In 1948, her parents were included on a list of people to be deported. They managed to hide for a year and then in 1949, they were arrested and sent with Marytė to Siberia. She was only two years old. During the journey, a guard in the military escort, seeing her lying motionless, decided she was dead and asked her father to throw her off the train. Her father refused point-blank and demanded a doctor’s opinion. The guard found a deported doctor in another wagon, and he saved her. When they got to the Irkutsk region, they were placed in the village of Bodaybo. The doctor who had saved Marytė on the train was deported to the same place and helped them on a number of occasions when they were ill. They lived in communal huts. Marytė’s father used his skills as a handyman to work for some of the local people. As a result, the family lived more comfortably. Her mother, who had been a primary schoolteacher in Lithuania, set up a free school for the Lithuanian children, teaching them in that language. In 1956, her parents sent her back on her own to Lithuania. She travelled to Plungė, the market town near her native village, where her aunt, who had been wired, was supposed to meet her on the station platform. There was no one, she started to call out for the police to come and tell her where to go, but a railway employee told her to be much more discreet and took her to her relatives’ house. At the start she was disappointed, because all she knew of Lithuania came from children’s books, and she had imagined a country with flowers everywhere, even in the fir trees. She attended secondary school then university, and went to work in Yerevan, Armenia, where she settled. She formed some illusions about the regime during the Khrushchev Thaw, but was soon disenchanted, and the Soviet invasion of Czechoslovakia put an end to her idealism. Then she came back to work in Lithuania and now lives in Vilnius.